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~ Mon Paradis ~
- Alors, tu l'as choisie ?
- Oui ! Tiens, la voilà, l’heureuse élue !
Elle traverse pieds nus l'herbe que la rosée a mouillée et court, gracieuse, jusqu'à moi, pour me tendre l'offrande automnale qu'elle a ramassée. Je la saisis avec empressement et l'observe : il s'agit d'une superbe feuille de charme, délicatement dentelée. J'apprécie sa belle couleur ambrée, sillonnée de nervures dorées. Elle est lisse, encore souple. Je la caresse sous mes doigts et hume son parfum. Elle respire l'Automne.
- Tu es un grand malade, se moque Diane.
Je la laisse à ses railleries, mon esprit est ailleurs. Je cours dans ma chambre, récupère une petite caisse en bois de noyer sculpté que je n’ouvre qu’aux équinoxes. Mon coffre à trésors.
À l'intérieur, mes bijoux ont perdu de leur éclat, œuvre du temps, mais leurs souvenirs vibrent encore dans ma mémoire. Cette délicate tulipe, dont la teinte rosée a passé ? Achetée lors d'une balade à Paris chez un marchand ambulant, installé là pour inaugurer le retour du printemps. Cette petite feuille de lierre aux reflets argentés ? Ramassée sur un chemin durant une promenade en foret. Il faisait froid, l'air était sec. Son beau visage rosi était emmitouflé dans une douce écharpe duveteuse, sa main ne lâchait pas la mienne. Et cette minuscule pâquerette ? La première fleur que je lui ai offerte, à l’occasion de notre troisième rendez-vous. Touchée, elle m'a donné en retour son premier baiser...
- Sylvain ? Elle m'appelle. Tu viens ?
Je referme à regret mon coffre à trésor. J'ai déjà hâte de le rouvrir, d'y ajouter un nouveau souvenir. Je la rejoins en courant.
Arrivé dans le salon, je m'arrête. Elle n'a pas remarqué ma présence. Ses longs cheveux roux ondulent et encadrent son doux visage de porcelaine. Un pull ample de laine blanche drape son corps et tombe sur ses jambes fines et nues. Elle tient entre ses mains une tasse que je sais emplie de chocolat chaud, parfumé à la cannelle. Son petit nez se fronce, elle éternue. Je me retiens de lui dire "à tes souhaits". Je ne veux pas qu'elle me remarque. Non, pas encore...
Ses immenses yeux noisette détaillent avec curiosité les merveilles de notre jardin à travers la grande baie vitrée du salon. Le Soleil inonde de lumière ce décor aux couleurs chatoyantes, ce tableau vivant aux multiples teintes vibrantes. Pourpres et ors éclatent et ornent le temps. Le vent souffle et soulève les feuilles agonisantes qui tombent, silencieuses, sur la mousse qui parsèment les chemins.
Et toi ma sylphide, ma Déesse aux yeux de biche, tu resplendis au milieu de ta nature. La chasseresse a fait de moi sa proie. Elle s'est emparée de mon cœur, qu'elle enserre de sa tendresse.
- Le chocolat est encore chaud, me dit-elle en se tournant finalement vers moi.
Elle me sourit. Je meurs d'envie de l'embrasser.
Enveloppés sous une couverture, assis sur le tapis moelleux du salon, nous savourons nos boissons fumantes, blottis l'un contre l'autre. La tête posée sur mon épaule, elle me raconte comment elle a choisi cette feuille dans notre jardin ce matin. Sa voix douce coule et me caresse. Je l'enserre un peu plus contre moi. Pourvu que le temps s'arrête... ou qu'elle reste mienne jusqu'à la fin de mes jours.
J'attrape sa main, embrasse le joyau qui scintille à son annulaire gauche. Bientôt, Diane, ma Déesse, c'est moi qui te ferai captive.
"Une fleur au printemps, une feuille tombée à l'automne.
C'est ça, le paradis."
Jung Yong Hwa
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